jeudi 3 décembre 2009

Parler djeunn’s et arabe dialectal -3-

En revanche, l’émergence des « beurs » dans la société française , notamment depuis l’alternance politique de 1981 a permis l’éclosion d’un nouveau langage, parti des banlieues défavorisées pour rayonner jusque dans les quartiers chics de la capitale en influençant au passage même les médias et les milieux intellectuels !

Bon nombre de linguistes observent avec intérêt ce phénomène linguistique, certes pas nouveau (l’argot a toujours existé et le peuple « pauvre » a toujours pris ses libertés avec le langage et le parler « correct » imposé souvent par les classes dominantes). Cet intérêt, vient sans doute du fait qu’il ne s’agit pas là simplement d’un argot ( l’argot est toujours resté amarré à la langue-mère sur le plan syntaxique ; la fronde se manifestait surtout sur le plan lexical, avec l’invention constante et truculente de mots nouveaux en remplacement des termes usuels imposés par l’école et les milieux bien-pensants). Là, il s’agit bel et bien d’une petite révolution linguistique où la sacro-sainte syntaxe de la langue de Voltaire est sérieusement malmenée, en plus des innovations lexicales. Le plus étonnant, est que cela marche ! Et ça plaît…En tout les cas ça amuse… Sans que les plus éminents observateurs de ces phénomènes ne réalisent que derrière les curiosités langagières qu’ils constatent, il y a tout simplement … la langue arabe, dans sa forme dialectale « primaire », pour ne pas dire primitive !

Ces deux derniers termes méritent bien sûr, explication.

3.1 : De l’arabité supposée des jeunes issus de l’immigration et nés dans les « quartiers ».

Pour une grande majorité de Français, cela paraît évident : ces jeunes, nés de parents arabes parlent forcément l’Arabe et sont de culture arabe et musulmane.

La réalité, évidemment est beaucoup plus complexe. Ces jeunes, descendants le plus souvent de plusieurs générations de populations immigrées ne sont, dans leur grande majorité pas dialectophones et n’ont qu’une connaissance très modeste de la culture arabe (pour ne pas dire nulle) et de la religion musulmane. Très souvent, la seule occasion pour eux de « pratiquer » l’arabe , c’est dans leurs rapports avec la mère, quand celle-ci, si elle-même n’est pas née en France fait l’effort de leur parler dans sa propre langue maternelle, c’est à dire dans une langue dialectale très locale qui n’a pas évolué depuis la date à laquelle la famille et/ou les ascendants ont quitté le pays d’origine.

Dans ce cas de figure (le phénomène est bien connu des socio-linguistes), la mère parle dans son « patois » local, avec un mélange de Français déjà fortement arabisé sur tous les plans : syntaxe, prononciation, lexique ; l’enfant comprend mais répond exclusivement en Français. Conclusion, les jeunes n’ont qu’une connaissance passive de la langue et réduite aux rudiments nécessaires aux échanges quotidiens. Autrement dit, ces jeunes baignent dès leur plus tendre enfance dans un bain linguistique « Francarabe » où ni la langue française ni l’Arabe ne trouvent vraiment leur compte. C’est dans ce « no man’s Land » linguistique que va s’opérer l’étrange alchimie (encore un mot arabe !) qui donnera lieu à ces fameux parlers de banlieues qui donnent la migraine aux linguistes et font les délices des intellectuels, journalistes et écrivains.

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